Le projet Dynegal

Dynamique des inégalités : la formation des représentations

(Paris, 2013)

Le projet de recherche DYNEGAL (dynamique des inégalités - la formation des représentations), conjointement mené par le GEMASS (Groupe d'Etude des Méthodes de l'Analyse Sociologique de la Sorbonne), le CMH (Centre Maurice Halbwachs) et PACTE (Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires), a pour objectif d’identifier, d'expliquer les mécanismes de formation des représentations des inégalités.

Dans le cadre de ce projet de recherche, nous avons réalisé une enquête pour identifier les principes de justice que les enfants privilégient et pourquoi. Si le développement du sens de la justice distributive chez les enfants a fait l’objet de multiples recherches depuis les travaux classiques de Piaget (1932), il nous a paru utile d’étudier la manière dont les enfants appréhendent les situations de partage après un travail collaboratif, en partant d’une approche qui postule, d’une part, que les enfants produisent et reproduisent des représentations du monde qui les entoure en puisant dans des références communes, afin d’interpréter la réalité et d’ajuster leurs comportements aux exigences des situations quotidiennes et, d’autre part, qu’ils choisissent des principes de répartition pour de bonnes raisons.

Le Dispositif

Entre décembre 2012 et juin 2013, une enquête a été réalisée auprès de 169 enfants âgés de 6 à 10 ans et répartis dans 4 écoles primaires de 4 villes de la banlieue parisienne ayant des caractéristiques différentes. De courts entretiens individuels (9 minutes en moyenne) ont été menés avec les enfants au sein de leur école.

Un dessin était tout d’abord présenté à l’enfant sur lequel figuraient 4 enfants disposant devant eux de gâteaux et d’un sac avec des biscuits et des fruits pour le goûter. Par ailleurs, on faisait varier le sexe des enfants dessinés en proposant à la moitié des enfants enquêtés des dessins d’enfants constituant un groupe non mixte et de même sexe qu’eux et, à l’autre moitié, des dessins d’enfants constituant un groupe mixte.

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L'enquêtrice expliquait que les enfants du dessin avaient fabriqué ensemble 12 gâteaux et qu’il s’agissait à présent de les répartir entre ces 4 enfants. Chaque enfant possèdant une caractéristique spécifique associée à un principe.

Caractéristique Principe
Le plus fort / la plus grande Principe arbitraire comme la force ou la taille
Le plus gourmand Principe d'utilité
Celui qui a fait le plus de gâteaux Principe de mérite
Le plus démuni Principe de besoin

L’enquêtrice donnait ensuite à l’enfant 12 jetons identiques faisant office de gâteaux et proposait à l'enfant de répartir ces jetons comme il le souhaitait entre chacun des enfants du dessin.

Le choix spontané de l'égalité

Égalité Le plus démuni Autres
classe de CP
0
%
0
%
0
%
classe de CE2
0
%
0
%
0
%
classe de CM2
0
%
0
%
0
%
Total
0
%
0
%
0
%

La répartition des gâteaux qui vient en tout premier est celle correspondant à une égalité stricte (3 gâteaux à chaque enfant dessiné). 70 % des enfants choisissent spontanément d’appliquer ce principe d’égalité. Ensuite 15 % choisissent le principe de besoin en donnant plus au plus démuni, puis 13 % privilégient le principe de mérite. Les 2 % restants (mais cela ne représente plus que 4 enfants) choisissent l’arbitraire du plus fort ou le principe d’utilité (celui qui, en étant le plus gourmand, retire le plus de plaisir à manger des gâteaux c’est-à-dire le plus d’utilité, au sens classiquement en usage en sciences économiques). Le tableau montre que cette prédominance du principe d’égalité s’affermit avec l’avancée en âge. Toutefois, les écarts entre les différentes classes ne sont pas statistiquement significatifs. En retour, il n’est pas possible de soutenir que le choix très privilégié de la distribution égalitaire régresserait au fur et à mesure que l’âge des enfants enquêtés passe de 6 à 10 ans.

La situation du plus démuni et du plus méritant

Dans le cadre de l'entretien, l’enquêtrice tentait d'appréhender la manière dont l'enfant percevait cette situation distributive. Elle lui demandait notamment comment il ou elle interprétait la situation respective de chaque enfant, en particulier de celui/celle qui n'avait rien dans son sac et de celui/celle qui avait le plus fabriqué de gâteaux.

Bonus

En conclusion, l'enquêtrice permettait à l'enfant de poser des questions.

Pour citer cet article

Michel Forsé, Alexandra Frénod, Caroline Guibet Lafaye, Maxime Parodi, Sophie Richardot, Pierre Brochard, « Dynamique des inégalités : la formation des représentations (Paris,2013)», Revue Images et Sciences Sociales [En ligne], 2016 (n° 002). URL : http://iess.lamop.fr/002/

L'Auteur

Le Projet Dynegal (dynamique des inégalités - la formation des représentations), conjointement mené par le GEMASS (Groupe d'Etude des Méthodes de l'Analyse Sociologique de la Sorbonne), le CMH (Centre Maurice Halbwachs) et PACTE (Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires), a pour objectif d’identifier, d'expliquer les mécanismes de formation des représentations des inégalités.

Michel Forsé est sociologue, Directeur de Recherche au CNRS et membre du Centre Maurice Halbwachs (CNRS, ENS, EHESS) où il dirige le « Groupe de recherche sur la cohésion et la justice sociale » (GRECO).
Caroline Guibet Lafaye est directrice de recherche au CNRS (Centre Maurice Halbwachs – EHESS – ENS). Agrégée et docteur en philosophie de l’Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, elle consacre ses travaux à l’analyse de l’appréciation des inégalités et de leur légitimation, en contexte redistributif.
Alexandra Frénod est ingénieure d’étude au CNRS, membre permanent du GEMASS (Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique).
Maxime Parodi est chargé d’études sociologiques à Sciences Po Paris, (Observatoire Français des Conjonctures Economiques).
Sophie Richardot est docteur en psychologie sociale et maître de conférences en sciences de l'éducation et membre du laboratoire CURAPP-ESS.
Pierre Brochärd est ingénieur d'étude au CNRS et a réalisé cet objet numérique.
Raphaël Schildknecht est l'auteur des dessins.

Pour aller plus loin

Forsé Michel, Richardot Sophie, Frénod Alexandra, Guibet Lafaye Caroline, Parodi Maxime (2016), «The sense of distributive justice in children from 6 to 10. Equality predominates but sharing norms are different depending on school performance», Revue européenne des sciences sociales, vol. 54, n°1, 13-36
Galland Olivier, (sous la direction de), 2016 «La France des inégalités. Réalités et perceptions», Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, 389 p.

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